Site web officiel de François Dilasser. L'atelier François Dilasser, association récemment créée par les proches du peintre finistérien aujourd'hui disparu, a pour but de conserver et de transmettre son œuvre. François Dilasser est né le 5 mars 1926 à Lesneven, Il peint, depuis l'enfance, sans avoir suivi les filières de formation classiques ?. En 1939, Il a 13 ans à la guerre, 18 à la Libération. Un des frères lui montre le Cheval blanc de Gauguin : " Le bleu de l'eau, l'écume orange, j'ai eu l'impression folle de comprendre ce que pouvait être la peinture... ". En 1956, sa femme Thèrese meurt en Juillet, son frère Jacques un an après. Second mariage avec Antoinette Dilasser en 1958. En 1979, il réalise sa première exposition à Paris à la galerie La Roue de Guy Resse puis entre à la galerie Jacob. Dans les années 1980 il réalise les séries Chute d'Icare, Grands Voyages, Yock, Jardins, Passage de la Mer Rouge. Fragmentation de l'image où apparaissent ciels, mers, et " bonshommes " : le Pélerin. ". Il expose en 1984 à la galerie Clivage à Paris. En 1988 FIAC " triomphale ". A l'étranger Etats-Unis, Allemagne, Suède, Norvège. Musées de Valenciennes, Caen, Saint-Lo, les Sables d'Olonne. A Paris galerie Montenay, les Mains et les Têtes, les Planètes. A Brest les Bateaux-feu, les Régentes. En 2001 : " L'Art dans les Chapelles " : Les Personnages vont, sous le parcours des Planètes à plumets. L'oeuvre entre dans de grandes collections privées et publiques ( musées de Rennes, Quimper, Brest, Morlaix, Caen, les Sables d'Olonne, Bordeaux, FNAC, FRAC Bretagne et Basse-Normandie ). En 2007, François Dilasser travaille dans dans " l' atelier de la mer " à Brignogan. Dernières expositions aux musées de Brest et de Bordeaux.
Actualité
Rouge, bleu, jaune
Exposition virtuelle de janvier à juin 2020
Catherine Elkar
  • TitreL'écriture des vaguesDate1974Dimensions145 x 114TechniqueAcrylique, Toile© photoNicolas MELLOTcollectionCollection Musée des Beaux Arts Brestréférence1_053
  • TitrePaysage RougeDate1974Dimensions50,5 x 61TechniqueAcrylique, ToilecollectionCollection Musée des Beaux Arts Brestréférence1_049
  • TitreSans TitreDate1982Dimensions200 x 160TechniqueAcrylique, ToilecollectionCollection FRAC Bretagneréférence3_070
  • TitrePassage de la mer rouge IIDate1989Dimensions168 x 170TechniqueAcrylique, Toile - Assemblage 20 toiles 6F© photoDidier OLIVREcollectionCollection de l?artisteréférence6_069
  • TitreSans TitreDate1992SérieBateaux-feuxDimensions217 x 140TechniqueAcrylique, Papier marouflé sur toile© photoJ L LosicollectionCollection Musée des Beaux Arts Brestréférence8_061
  • TitreSans TitreDate1995SérieRégentesDimensions132,5 x 150TechniqueAcrylique, Papier marouflé sur toile© photoLargocollectionCollection particulièreréférence10_013
  • TitreEspace Gris avec Images Bleues et RougesDate1976Dimensions97 x 130TechniqueAcrylique, ToilecollectionCollection particulièreréférence1_110
  • TitreSans TitreDate5-6 Août 1988SérieChute d'IcareDimensions100 x 150TechniqueAcrylique et fusain, Papier© photoJ L LosicollectionCollection inconnueréférence5_094
  • TitreSans TitreDate1998SérieArbreDimensions31 x 34TechniqueAcrylique, Papier marouflé sur toile© photoDenis BouchardcollectionCollection de l?artisteréférence11_025
  • TitreSans TitreDate2002SérieÉtoilesDimensions65 x 73TechniqueAcrylique, Papier© photoF. TALAIRACHcollectionCollection inconnueréférence12_129
  • TitreSans TitreDate2006 - 2007SérieNuagesDimensionsAssemblage de 9 toilesTechniqueAcrylique, Papier marouflé sur toilecollectionCollection de l?artisteréférence13_076
  • TitreTête MarineDate10 - 11 mai 1992SérieTêtes - Série dites ?marine? ou ?pré bateaux feux?Dimensions130,5 x 85TechniqueAcrylique, Papier marouflé sur toile© photoJ L LosicollectionCollection particulièreréférence8_046
  • TitreFigures avec soubassement n°5Date1994 MarsSérieFigures avec soubassementDimensions150 x 161TechniqueAcrylique, Papier marouflé sur toile© photoDidier OLIVREcollectionCollection de l?artisteréférence9_036
  • TitreSans TitreDate1995SérieRégentesDimensions130,5 x 141TechniqueAcrylique, Toile© photoLargocollectionCollection Musée des Beaux Arts Bordeauxréférence10_020_c
  • TitreSans TitreDate1995SérieRégentesDimensions160 x 200TechniqueAcrylique, Toile© photoJ L LosicollectionCollection de l?artisteréférence10_021
  • TitreMainDate1997SérieMainsDimensions80 x 75TechniqueAcrylique, Papier marouflé sur toile© photoJ. C. MazurcollectionCollection particulièreréférence10_088
  • TitreMainDate1997SérieMainsDimensions80 x 75TechniqueAcrylique, Papier marouflé sur toile© photoDenis BouchardcollectionCollection de l?artisteréférence10_087
TitreL'écriture des vaguesDate1974Dimensions145 x 114TechniqueAcrylique, Toile© photoNicolas MELLOTcollectionCollection Musée des Beaux Arts Brestréférence1_053

Rouge, bleu, jaune
3 couleurs dans la peinture de François Dilasser



peu importe le thème, les formes
ce qu’il faut c’est que la
répartition des couleurs qui
passe par le dessin, provoque une lumière
une émotion

qui emporte tout


la fiancée juive de Rembrandt
le cheval blanc de Gauguin
des pommes de Cézanne
un portrait de Giacometti
une peinture de Poliakoff

icône
etc
peu
importe
c’est le langage
de la peinture
qui est en cause


[François Dilasser, note pl. 03, 1986]

Parler de la peinture ?
écrire sur la peinture ?
- on peut parler des abords
- des routes qui y mènent
– sans doute
mais dire le travail

expliquer comment
une forme et une couleur se marient
tantôt c’est la forme qui dit la couleur

tantôt la couleur crée la forme
et surtout comment dire que tout

d’un coup tout cela prend vie
s’anime

comment, je ne sais pas

[François Dilasser, note pl. 74, 31 janvier 1986]



Ce projet d’exposition, cette tentative, m’a été inspiré par un passage de D. d’Antoinette Dilasser (Le Temps qu’il fait, 2003, p. 37) :

« L’espace du bas, le monochrome. Souvent des à-plats de couleur, par rapport à la figuration mouvementée du haut. La couleur, par rapport au dessin. Souvent, au travers des séries, on retrouve le souci, comment les mettre ensemble, les deux, couleur, dessin. Couleur, contour. Léonard s’arrangeait du problème en sfumant le contour. Gauguin contourait, la couleur était serrée dans le tracé. Il y a eu tout une période où D., après avoir violemment coloré, a cru ne savoir plus que dessiner. Puis, pendant un temps, des toiles où des espaces dessinés alternaient avec des bandes de hachures colorées (le titre : Horizontales). Ou encore la couleur, comme un timbre-poste dans le coin d’une toile traitée au trait. »

Quant aux trois couleurs primaires, même si l’on pense aux toiles de Barnett Newman elles-mêmes suscitées par Mondrian, leur choix est intuitif, fondé sur l’idée que la question du monochrome pouvait constituer une clef de lecture pour l’œuvre cependant que le format du présent exercice commandait lui une approche plus modeste. Au fil des catalogues, ces trois couleurs se sont imposées et ont trouvé dans une peinture des débuts de François Dilasser, L'écriture des vagues, une résonnance singulière. Dans les notes que l’artiste a laissées, la couleur n’est pas un sujet qu’il évoque hormis, brièvement, le bleu, la couleur infinie du ciel et de la mer de son horizon, de ses promenades de bord de mer. Ce qui l’occupe, c’est le rapport du dessin et de la couleur, ce qu’il va en surgir, « l’émotion que suscite la rencontre de deux couleurs » (document INA, 1987). Aussi le prétexte de cette exposition est-il de rapprocher des peintures de différentes périodes et d’essayer de préciser la place de la couleur dans l’œuvre de François Dilasser.

L'écriture des vagues (1974) est un tableau vertical divisé horizontalement au moyen de bandes traitées chacune de manière différente. Au milieu éclate une grande tache rouge, rouge que l’on retrouve en petits éléments rectangulaires festonnant deux bandes situées de part et d’autre du centre, alternant avec d’autres petits éléments semblables colorés cette fois d’un bleu franc. Au- delà, en haut et en bas deux bandes plus larges présentent elles aussi des parcelles, mais d’un jaune d’or, une « chromie » que l’on reverra régulièrement. Çà et là, de petites taches rouge, jaune, bleu, animent la toile sans ordre apparent. L’œuvre est comme une énigme, une écriture composée de l’alliance des trois couleurs et du dessin au trait noir, sur un fond gris, la mer ? Ici dessin et couleur font jeu égal, atteignent ce point d’équilibre dont François Dilasser était sans cesse en quête.


Rouge

Le Paysage rouge (1974) paraît comme le chainon manquant entre les tissus cousus (Choral, 1972) et un ensemble d’œuvres (Histoires, 1973-1974 ; Rose, rouge et noir, 1975 ; Gisants, 1978) dont la structure dessin et motifs noirs souvent avec un cadre ou plutôt un fond noir laissé apparent à la marge – porte la couleur autant qu’elle se laisse chahuter par celle-ci. Au début des années 80, la palette se fait sourde, de l’ocre clair au plus soutenu, comme en témoigne une photo d’atelier de l’époque (http://www.francoisdilasser.fr/oeuvre/1977-1983/8). Désormais la partition du tableau est tant verticale qu’horizontale et définit des cellules habitées par des motifs, les uns identifiables, têtes, échelles, etc., les autres plus mystérieux. A la fin de la décennie, les cellules ont fait place à des cases plus régulières qui, assemblées, constituent de grands tableaux ou forment, seules, des peintures de moyennes dimensions. En rapprochant les Passage de la mer rouge et les Bateaux-feux, séries contiguës dans le temps, on note, pour la première, un titre qui apparaît après-coup et par ironie, « commandé » par la dominante rouge, et pour la seconde où le rouge est omniprésent, métaphorique, le titre désigne le sujet. Le rouge y est puissant, joyeux, synonyme de vie. Par opposition, si tant est que François Dilasser ait attaché du prix à la symbolique des couleurs, le rouge est macabre, infernal quand il sert à dépeindre les cinq ou quatre ou trois Régentes du tableau matrice de Frans Hals. Le choix du rouge interroge de la part d’un peintre qui veut comprendre abstraitement, géométriquement, une peinture qui le fascine, une vision spectrale tout en modulation de noirs tempérés de quelques gris et blanc. Le rouge sourd-il d’une analyse très fine du chromatisme, de la teinte bordeaux très foncée de la nappe ? Force est de constater que cet usage particulier du rouge embrase le tableau et le rend plus terrifiant encore que l’original.


Bleu

un peu de bleu au fond du gouffre
un peu de bleu sur tant de gris ...
gris, avec du bleu
gorgé de pluie

novembre
en me promenant
à travers champs
brume de soleil
calme nocturne
bleu dans la nuit
la fête est derrière les carreaux

[François Dilasser, notes, recherche de titres, 1973]

un bleu, un rouge
puis un orangé

c’est la lumière ... du 1er jour

[François Dilasser, notes pl. 28, 1983]


Dix années séparent Espace gris avec images bleues et rouges (1976) et Chute d'Icare (1988) caractérisés par un même bleu-gris dominant, une couleur mélancolique dont on pressent qu’elle est prise dans le paysage littoral. Structures et sujets suivent la même évolution que précédemment décrite : élargissement du ou des cadres, affirmation du sujet. A l’orée des années 2000, le bleu transmute, ou plutôt revient à ce qu’il était dans L'écriture des vagues, un bleu de cobalt, à la limite du turquoise comme dans l’ensemble Mes Baigneuses, et dans ce formidable Arbre de 1998. Un bleu qui célèbre la vie terrestre pour bientôt s’attacher à une inspiration céleste avec les Etoiles puis les Nuages. Dans ces deux séries, l’artiste se joue de la perception conventionnelle tandis que la nuée se pare de couleurs tant azur qu’outremer, bleu dans la nuit...


Jaune

Les Têtes marines, tout comme les Bateaux-feux, montrent un usage particulier du jaune d’or, du doré. Le nuage, situé en haut à droite, évoque par métonymie la voûte céleste. Ceci justifie le choix de la teinte, choix plus étrange quant à la base, comme posée au fond de la mer. On peut y voir la leçon de Gauguin, de même que dans les éclats d’or qui font scintiller la mer ; on peut y voir aussi une façon plus libre désormais d’encadrer la peinture. Antoinette Dilasser a noté avec justesse que les soubassements qui donnent leur titre à un ensemble de peintures du milieu des années 90 existaient ailleurs : dans la partie inférieure des Veilleurs, la « mer » des Bateaux-feux, la nappe des Régentes... Ces aplats qui occupent parfois plus de la moitié de la toile surprennent de la part d’un peintre dont une des caractéristiques originelles est une structure en canevas serré. Liberté et plaisir de la couleur, champ coloré en contrepoint à une perception morcelée de l’espace ? Tentons une autre hypothèse. François Dilasser confie combien parfois son expressionnisme ne le satisfait pas (12 juin 1996). Les vastes surfaces monochromes des Soubassements calment la farandole de têtes de la partie supérieure, têtes qui font leur apparition dans différentes séries de l’artiste, sous une forme ou une autre. Dans l’ensemble important des Régentes, retenons l’œuvre appartenant au musée des Beaux-arts de Bordeaux où l’or de la table, de l’arrière-plan, et l’inscription dans un médaillon à la manière de certains prophètes de Giotto dans la Chapelle des Scrovegni, dématérialisent ce portrait de groupe si cruellement humain. Et que penser du traitement baroque des quatre Régentes qui dans leur vêtement zébré se détachant sur un all-over doré, semblent exécuter une ultime danse macabre ? Les Mains, dans leur frontalité, leur brutalité même, relèvent d’une expérience inédite tant l’artiste nous a accoutumés aux sujets énigmatiques, à des tableaux cryptés. Des Mains, Jean- Marc Huitorel souligne qu’il s’agit d’un pur exercice de peinture (cat. Brest-Bordeaux, pages 58-59). La chair devient peinture au gré d’une variation chromatique sidérante, et d’une liberté toujours plus grande du peintre, François Dilasser.

Catherine Elkar, janvier 2020